Le doublement du plafond d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global est-il à la hauteur des enjeux qu’il porte ?
Comme nous le soulignions à l’occasion d’un précédent bulletin, ce dispositif était certes bienvenu et nécessaire dans son principe, mais son entrée en vigueur effective se voyait retardée à la publication d’un décret d’application. Bien que ce soit désormais chose faite, force est de constater que les conditions prévues nécessitent la mise en place d’une organisation très spécifique pour en permettre le bénéfice.
Une éligibilité restrictive
Les dépenses éligibles calquées sur celles relevant de l’ECOPTZ
La définition des dépenses éligibles est réalisée par renvoi à celles limitativement visées par l’article D. 319-17 du CCH, à savoir notamment celles correspondant au coût de la fourniture et de la pose des équipements, produits et ouvrages nécessaires à la réalisation des travaux d’économie d’énergie listées à l’article D. 319-16 du même code, auquel il convient d’ajouter le coût des travaux leur étant indissociables.
Les travaux d’économie d’énergie auxquels il est ainsi renvoyé sont sommairement ceux qui, dans les conditions prévues par arrêté, consistent soit en des travaux ponctuels d’amélioration de la performance énergétique, soit en des travaux de rénovation globale permettant d’atteindre une performance énergétique < 331 kWh / m2 / an et un gain énergétique d’au moins 35% par rapport à la consommation initiale du logement.
Une éligibilité pouvant être subordonnée à la réalisation d’un audit énergétique préalable
Lorsque les travaux exécutés relèvent de ceux permettant l’atteinte d’une performance énergétique globale, un audit énergétique préalable doit être réalisé soit par un prestataire titulaire du signe de qualité « RGE », soit par un architecte spécialement formé à la réalisation de tels audits.
L’objet de cet audit énergétique consiste en un état des lieux détaillé de la performance énergétique et environnementale du bâtiment et vise à proposer des scénarios de travaux d’amélioration de ces performances directement adaptées aux caractéristiques du bien.
Bien que justifié dans le cadre de l’ECOPTZ, on comprend cependant mal le caractère obligatoire de cet audit appliqué au dispositif commenté compte tenu des DPE devant être réalisés par ailleurs (cf. infra) et nous présumons qu’il s’agit d’un renvoi malheureux.
Des modalités d’application excluant la majorité des opérations
Des intervenants devant être « RGE »
Il résulte du décret que, pour être éligibles, les travaux doivent être réalisés par des entreprises titulaires du signe de qualité « RGE ». Sans ouvrir ici le débat du réel bienfondé de ce signe de qualité, précisons néanmoins que les titulaires de celui-ci (i) sont d’autant plus rares que l’opération prendrait place dans une ville moyenne, (ii) pratiquent des prix généralement plus élevés que ceux de leurs confrères non-RGE qui aboutiront à neutraliser au moins partiellement la contrepartie fiscale ainsi offerte, (iii) et présentent d’une disponibilité souvent lointaine compte tenu de leur sursollicitation en raison de la multiplication des normes exigeant leur concours.
Aussi, cette exigence aboutit à exclure les opérations réalisées par des entreprises n’étant pas elles-mêmes RGE. Ainsi leur éligibilité se voit subordonnée à la mise en place d’une organisation spécifique, que celles-ci soient réalisées via une convention de contractant général ou un contrat de promotion immobilière.
Quid des biens dispensés de DPE ?
Il est, pour rappel, requis que les travaux réalisés conduisent le logement, relevant d’une classe énergétique E, F ou G, à évoluer vers une classe A, B, C ou D (art. 156, I. 3° du CGI). Le décret précise que la démonstration de ce passage d’une classe à l’autre doit résulter de la production de deux DPE (le premier devant avoir une date de validité comprise entre le 1er janvier 2023 et la veille de la réalisation des travaux et audits énergétiques, le second une date de validité postérieure aux travaux et audits énergétiques et devant être réalisé au plus tard le 31 décembre 2025).
Si la réforme de la méthode de calcul des DPE courant 2021 a sonné le glas des DPE « vierges », cette exigence d’un DPE préalable exclut toutefois de fait et de façon tout à fait incohérente les biens dispensés d’un tel diagnostic en application notamment des exceptions prévues par l’art. R126-15 du CCH, à savoir ceux dépourvus d’installation fixe de chauffage, alors pourtant qu’il s’agit de ceux qui auraient le plus besoin de cette incitation.
Rappel
Ce dispositif, bien que porté par une loi de finances rectificative pour 2022 et donc, normalement, applicable dès cette même année, ne peut toutefois bénéficier qu’aux dépenses acquittées à compter du 1er janvier 2023 se rapportant à un devis accepté à compter du 5 novembre 2022 (cf. II de l’article 12 de la LFRrepris à l’article 2 du décret d’application).
A noter
Ce décret d’application (n° 2023-297 du 21 avril 2023) se voit codifié au sein de l’art. 41 DO de l’annexe 3 au CGI et est entré en vigueur dès le lendemain de sa publication.
Remarque opérationnelle
Les travaux ponctuels d’économie d’énergie devant être réalisés par une entreprise RGE pour être éligibles sont ceux consistant en l’isolation thermique des toitures, murs et ouvrants donnant sur l’extérieur et les planchers bas, ainsi que ceux d’installation, de régulation ou de remplacement des systèmes de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire.
Lorsque la rénovation est globale, seuls ceux afférents à l’installation et la pose du système de chauffage et de matériaux d’isolation thermique des murs, toitures et planchers devront être réalisés par une entreprise RGE pour que celle-ci soit globalement éligible.
Les modalités de justification
La justification du doublement du plafond d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global se fait a posteriori par la fourniture des documents justifiant de l’éligibilité des travaux (devis/factures) ainsi que des DPE et audits requis.
Bon à savoir
Le site France Rénov’ ainsi que celui du ministère de la transition écologique mettent à disposition des annuaires recensant les professionnels qualifiés pouvant être sollicités.